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Sakura

Sakura : Le cerisier

De nouveau, un texte de Kazuhiko Yatabe, qui traduit bien cet attachement des japonnais aux cerisiers en fleurs

 

Sakura
  • Dans un poème célèbre, Ariwara no Narihira (825-879) a déploré l'existence des cerisiers, qui remuent le coeur des hommes lorsque le printemps arrive.
  • En effet, ces arbres cumulent, pour ainsi dire, les défauts : la floraison les transforme en d'extraordinaires brumes rose tendre ; aussi légères qu'un nuage par un clair matin, leurs fleurs sont d'une déchirante délicatesse ; les pétales, que la moindre brise fait virevolter, se métamorphosent en une pluie qui vient rappeler le caractère éphémère de toute vie. De sorte que leur beauté n'est plus vraiment de ce monde.
  • Elle émeut, mais elle trouble ; elle ébranle. Ainsi, depuis que Konohanasakuyahime - la princesse "belle comme cette fleur [celle du cerisier]", personnage mythique qui figure dans les Annales du Japon (720) - en a semé les graines à partir du mont Fuji, cet arbre est considéré dans l'archipel comme le lieu sacré (kura) où descendent les dieux de la récolte (sa).
  • On pourrait même dire ceci : durant la courte période où les cerisiers sont en fleur, une passerelle se crée entre ce bas monde et l'au-delà, permettant aux âmes de circuler de l'un à l'autre. Mais le sacré comporte toujours une dimension terrifiante.
  • Avec les cerisiers - comme le dit si bien Mari Akasaka dans le texte ci-contre -, le sortilège et la folie ne sont jamais très loin. Si la jeune romancière en explore les manifestations modernes, l'écrivain Ango Sakaguchi (1906-1955) a souligné l'effroi qu'inspirait jadis la beauté de l'espace sacré dans son Sakura no mori no mankai no shita (A l'ombre de la forêt des cerisiers en fleur). Nouvelle admirable mais littéralement hantée, la lecture en est cependant déconseillée à tous ceux qui, tels les Japonais oublieux de la sensibilité d'antan, ne se sentent pas prêts à reconnaître combien le poète Ariwara no Narihira avait raison de craindre la fleur du cerisier.

Kazuhiko Yatabe

 

Sakura, le cerisier

 

 

Yo no naka ni

Taete sakura no

nakariseba

Haru no kokoro wa

Nodoke karamashi

 

S'il n'y avait pas de floraison de cerisier, au combien notre coeur serait plus tranquille au printemps

 

Ariwara no NARIHIRA (825-879)